
PREMIUM : Pourquoi vous êtes-vous dirigé vers la finance après avoir obtenu un diplôme d’ingénieur aérospatial ?
Philippe Schaus : Quand j’ai démarré des études d’ingénieur, j’avais une idée très vague de ce que faisait ce métier. Je les ai plutôt choisies par rapport à l’intérêt que j’avais pour les mathématiques, la physique et les sciences appliquées. Mais je me suis rendu compte, par des stages, que finalement je n’étais pas si intéressé que ça par le fait de devenir ingénieur. Je lisais The Economist, que je parcours toujours aujourd’hui, et je me suis mis en tête que, finalement, c’était dans la finance que j’allais trouver mon salut. Je crois que ça veut finalement dire, et je l’utilise aussi chez nous dans l’organisation, qu’on peut tout faire avec tout. Les études sont là pour nous donner un certain bagage et une certaine structure, mais après la vie est longue. L’essentiel c’est d’avoir des passions, d’être curieux.
PREMIUM : Quel bilan personnel tirez-vous de ces 6 dernières années ?
Philippe Schaus : Je suis rentré dans un métier que je ne connaissais absolument pas ou très peu, au-delà de ma consommation personnelle. La première chose est que c’est un métier formidable : un des rares où vous allez vraiment de la terre jusqu’au consommateur. D’ailleurs, la vision qu’on s’est donnée est d’être “the leader of luxury wines and spirits from nature to communities”. Tous ces produits des Vins et Spiritueux, que cela soit nos champagnes, nos cognacs, mais aussi nos whiskies et notre tequila, sont des Maisons qui sont basées sur un historique incroyable : il y a des fondateurs, des savoir-faire. Notre mission est de conserver ce savoir-faire et de le développer, de transmettre la culture qui est derrière à travers le monde entier. Quand on va vendre un champagne au Japon, on va quelque part transférer un morceau de la culture européenne au Japon.
PREMIUM : Comment progresse le marché après la pandémie et les différentes crises qui lui succèdent ?
Philippe Schaus : Rien n’est acquis, ça reste quand même une bagarre au quotidien pour développer des ventes, allouer les produits aux marchés qui tournent le mieux. Quand l’année 2022 a commencé, j’étais assez prudent parce que je ne savais pas comment comment cela allait évoluer. Il s’est trouvé qu’il y a eu un énorme regain de consommation, surtout l’été. Les gens sont partis dans le sud de l’Europe, dans les Caraïbes : ils y étaient plus nombreux que d’habitude et ont consommé plus luxueux qu’auparavant. Le marché des vins et des spiritueux n’est globalement pas en croissance, mais ce qui est en croissance est le marché des produits d’excellence. Il y a eu un transfert des consommations. Comme il y a eu un transfert vers plus d’hôtels de luxe, on a eu le même effet sur nos produits. 2023 commence avec la même interrogation que 2022 : on a des signaux positifs, certains signaux un peu plus mitigés, mais nous sommes globalement optimistes.
PREMIUM : De quel succès êtes-vous le plus fier au sein de cette division ?
Philippe Schaus : Je ne sais pas s’il y en a un dont je suis le plus fier par rapport aux autres. Je suis fier de la culture que j’ai pu apporter chez Moët Hennessy, et avant ça chez DFS. Une culture que je veux transversale : on parle d’empowerment donnant de l’autonomie aux équipes, favorisant la prise de risques et l’innovation. Je dirais que, quelque part, c’est ce dont je suis le plus fier chez Moët Hennessy, parce qu’in fine, on n’est jamais aussi bon que nos équipes, et nos équipes ne sont jamais aussi bonnes que l’autonomie et l’intelligence de la situation du marché, de la stratégie qu’on peut leur donner. Une fierté qui est la moins visible de l’extérieur, même si ça se traduit dans tout un tas de choses visibles dont les campagnes, les lancements produits, les acquisitions de nouvelles marques. Tout ça va faire qu’on va sortir des beaux résultats, qui ne sont qu’une conséquence. On ne se réveille pas tous les matins en se disant ce qu’on va faire pour développer le chiffre d’affaires, mais on se réveille tous les matins en se disant ce qu’on va faire pour élever la désirabilité.
PREMIUM : Quels sont vos projets futurs pour la division ?
Philippe Schaus : On a d’un côté des projets de modes de communication qui sont basés sur la continuité : comme les Bold Women Award qu’on fait avec Veuve Clicquot. On est vraiment sur le long terme, dans ce cas-ci c’est tous les ans. Et on a ce qu’on appelle des pop-up : l’exposition Clicquot qu’on a faite au Japon et à Los Angeles, ou de la Casa Éminente, le rhum cubain, qui vient d’ouvrir à Paris dans le Marais et va être ouverte pendant 6 mois. Ces pop-up sont pensés pour amener une touche d’innovation, de surprise; parfois ça peut amener à quelque chose de plus permanent. Je pense que la notion du pop-up est bien parce qu’elle a un côté éphémère, elle a un côté expérimental où on peut se permettre des choses dans un pop-up qu’on se permettrait pas de manière continue. Évidemment, il y en a dans le pipeline, mais je ne vais pas vous les divulguer. Tout ça contribue à l’expérience.
PREMIUM : Quelle autre division aimeriez-vous diriger au sein de LVMH ?
Philippe Schaus : J’ai été chez Louis Vuitton, c’était formidable mais j’avais envie de faire autre chose. J’ai donc été chez DFS où j’ai touché à tous les métiers : la beauté, la joaillerie et les montres, la mode, etc. Aujourd’hui j’ai abouti dans les Vins et Spiritueux, je suis très content d’être là. Je trouve que j’ai des collègues absolument formidables dans les autres divisions, donc je crois être au bon endroit.
PREMIUM : Êtes-vous également amateur de vins et spiritueux, quelles sont vos préférences ?
Philippe Schaus : Je dirais que ça dépend du moment. Après un repas pas trop lourd avec une petite envie de sucré, j’aime bien prendre un morceau de chocolat avec un verre de cognac, typiquement du X.O de Hennessy. J’adore nos vins : nos argentins sont très bons, les Joseph Phelps sont des vins très puissants formidables avec des mets riches. Évidemment, le champagne sous différentes formes : une coupe de Moët Vintage en tant qu’apéritif, ou un verre de Krug accompagnant un repas, ou encore un Armand de Brignac le soir dans une boîte de nuit. Chaque fois, on parle d’une expérience formidable. Ce qui est important, c’est de les consommer avec modération. Il faut absolument le dire : nous avons des produits d’excellence qui méritent d’être dégustés, qui mérite d’être appréciés par tout ce qu’ils comportent, auxquels on ne rend pas justice si on en consomme trop.