L’acteur né à San Diego a tout d’abord été révélé dans la comédie romantique Girls de HBO, le propulsant dans les projets des Frères Cohen et l’immergeant dans des films indépendants tels que Hungry Hearts, pour lequel il a remporté la Coupe Volti du Meilleur Acteur au Festival International du Film de Venise en 2014. Cette double voie vers les succès critiques et commerciaux lui a bien entendu été ouverte après avoir endossé le role de Kylo Ren dans Star Wars : Le Réveil de la Force, un an plus tard. Il est généralement entendu qu’un film qui engrange plus de deux milliards de dollars au box office va projeter ses stars dans une nouvelle stratosphère, et cela c’est confirmé en récidivant avec Le Dernier Jedi et L’Ascension de Skywalker. Le fait est que le genre traditionnel de la science-fiction se trouve en rude concurrence avec la montée en puissance des super-héros, Driver a réalisé qu’il ne pouvait pas se permettre, ou ne le voulait tout simplement pas, de suivre de trop près une mode en particulier. « J’ai toujours dit que la diversité est cruciale pour un acteur, et je serais un hypocrite si je n’appliquais pas cela à mes choix de films », explique-t-il. « Je pense que le problème avec Star Wars c’est que lorsque tu signes pour ça, ça imprégne chaque partie de ton être ». « L’engagement est rude, et le délai est long, alors même lorsque tu veux t’extraire de ce mastodonte, c’est souvent plus facile à dire qu’à faire. » L’acteur met à présent de la distance entre lui et la franchise à succès la plus importante de toute l’histoire du cinéma. C’est certainement une sage décision, étant donné l’accueil tiède que certains des récents spin-offs de J.J. Abrams ont reçu. De Logan Lucky à BlacKkKlansman, en passant par des drames historiques tels que L’homme qui tua Don Quichotte ou Le Dernier Duel, il y a souvent comme une pierre angulaire, un élément de la vie réelle qui semble déclencher l’intérêt et la conscience de Driver d’une manière que la portée galactique de Star Wars ne pourra jamais le faire. Il le prouve dans la manière dont il s’est approprié le film policier biopic House of Gucci. Face à Lady Gaga, il incarne Maurizio Gucci de manière impeccable. Il joue un rôle de premier plan dans l’opulence luxueuse de la Maison de mode, pendant une dizaine d’années de vie a flamber, qui a finalement conduit à la disparition de l’homme d’affaires. Driver espère que sa stratégie risquée à diversifier les projets de travail ne le conduira pas à une telle disgrâce. Depuis les coulisses, cela semble peu probable…
PREMIUM : Après Star Wars, êtes-vous passé à autre chose ou vous sentez-vous encore à l’intérieur de cet univers ?
Adam Driver : Comme toujours, il faut voir ce que l’avenir nous réserve, mais que j’y sois ou non, Stars Wars a été et restera surréaliste. Personnellement, j’ai toujours été un fan de Star Wars. Je suis toujours émerveillé d’avoir pris part à ce projet et ça ne changera jamais. Je me souviens avoir travaillé très dur pour ne pas me laisser distraire par le fait de parler en présence d’Harrison Ford, et faire comme si c’était juste un autre travail d’acteur dans un film classique. C’était quelque chose de vraiment très difficile.
PREMIUM : Diriez-vous que vous vous sentez intimidé ?
A. D. : L’intimidation se présente sous différentes formes, et je pense que plus on avance dans la vie, plus on accepte qu’elle sera toujours là. Se trouver hors de sa zone de confort est certainement une chose très importante pour un acteur. Vous avez besoin d’entrer dans la peau de quelqu’un d’autre pour parvenir au principe très basique de jouer un rôle, alors être détendu peut presque desservir cet art. J’accepte donc ce sentiment d’incertitude et même parfois de peur comme une part importante de tout ce qui participe à un rôle. J’aime cette sensation.
PREMIUM : Lorsque vous avez accepté le rôle de Kylo Ren, vous avez dit que votre vie hors des plateaux « ne serait plus jamais la même ». Est-ce que c’est le cas ?
A. D. : Bien sûr. Je pense que si ça n’avait pas été le cas tout le projet aurait alors peut-être été un échec total. Cela n’a pas changé ma vie dans un mauvais sens, ou dans un sens où j’aurais la sensation d’avoir perdu une part de moi-même au fil du temps, donc grâce à ce respect je suis ravi de la façon dont ça a agi et de ne pas avoir été impacté négativement par ce qui a boosté ma carrière, mais je vois comment cela se passe pour certaines personnes, et c’est un risque à prendre quand on se met sous les feux des projecteurs.
PREMIUM : Tellement de choses ont été dites sur House of Gucci et la grandeur de ce projet.
A. D. : C’est la toile de fond du glamour, de l’excès, de l’arrogance et de la colère, qui, dans de nombreux endroits, est aussi maladive que stylée. Mais c’était une chance pour moi de pouvoir revenir dans un autre univers, un autre domaine. C’est ce qui a été le plus excitant, ainsi que d’explorer les vies de ces personnes incroyables et iconiques.
PREMIUM : Comment c’était de jouer face à Lady Gaga ?
A. D. : Elle est incroyablement talentueuse et peut s’adapter aussi bien à la musique, qu’à la mode ou à un film. Je ne pense pas que quelqu’un d’autre aurait pu être aussi parfait pour le rôle de Patrizia ; il lui convient de si différentes façons.
PREMIUM : Doit-on considérer ce passage au biopic comme un signe des choses à venir pour vous ?
A. D. : Je ne dirais pas ça, mais j’admets volontiers que ce projet a résonné en moi différents niveaux, et c’est le genre de film dont tu sais qu’il a le potentiel de devenir très élégant et spécial. La réalité est que probablement seulement un projet sur 10 se termine de la façon dont on l’imagine. Il peut y en avoir une poignée qui échouent, quelques autres qui fonctionnent pas mal mais qui finalement vous laissent un sentiment de déception. Cependant, de temps en temps, tu en as un qui tient ses promesses, et lorsque j’ai vu le reste du casting, j’ai su que ce serait une de ces occasions.
PREMIUM : A quel point ce film est-il important pour vous ?
A. D. : Ils sont tous importants ! Celui-ci semble différent, comme si j’avais dessiné une ligne dans le sable, et il suffit de regarder le reste du casting pour réaliser combien c’est fort.
PREMIUM : Quel a été votre premier rôle à l’écran ?
A. D. : C’était dans une série policière qui s’appelait The Unusuals, aux côtés de Jeremy Renner et Amber Tamblyn. Je ne jouais pas un mauvais garçon cependant, j’étais comme un faux-fuyant suspecté d’avoir fait quelque chose et les gens devaient penser que j’étais le coupable… mais finalement ce n’était pas moi.
PREMIUM : Est-ce vrai qu’avant de devenir acteur vous aviez créé un “Fight Club” ?
A. D. : Oui (Rires). C’est vrai en effet. Cela vient beaucoup au fait d’avoir grandi en s’ennuyant dans l’Indiana, où il n’y avait pas vraiment grand chose à faire, et où tu inventes des trucs au fur et à mesure. Cela semblait une très bonne idée de se battre avec ses amis ; on s’est fait mal mais personne ne s’est jamais blessé gravement. Je ne suis jamais allé à l’hôpital, c’était juste des combats amicaux entre voisins, où les enfants venaient à vélo et on les recrutait pour notre club. Mon ami Noah avait une maison juste en face d’un endroit événementiel appelé “Célébrations illimitées”, que l’on pouvait louer pour des anniversaires et des choses de ce genre. Derrière il y avait un grand champ, enfin dans mon esprit… mais qui en fait était assez petit. Alors on y retournait quand il faisait nuit pour se battre ensemble.
PREMIUM : Vous avez découvert des films comme Fight Club et le travail de Martin Scorsese assez jeune, n’est-ce pas ?
A. D. : Oui, la période du lycée a été très formatrice et parce que, comme je l’ai dit, il n’y avait pas grand chose à faire, il fallait se divertir. Quand nous avons déménagé dans l’Indiana, nous avons vécu avec mes grands-parents Mon grand-père avait des cassettes vidéo où il enregistrait des films pour ma soeur et moi, mais il ne voulait pas que l’on regarde Die Hard 2, donc il a attendu qu’il sorte sur la TNT pour l’enregistrer dans cette version pour la TV. Il avait environ 500 cassettes vidéos et, sur chacune, il y avait à peu près cinq films. Sur l’une d’entre elles il avait enregistré True Grit, et il avait mis la description du film. Cela me donnait l’impression que les adultes adoraient les films et les considéraient comme très importants, les films ont toujours été une sorte de pierre angulaire tout au long de ma vie ; c’est ce qui m’a donné l’envie de m’y intéresser. Mais comme je le dis, cela ne semblait pas être un travail réaliste et je ne savais absolument pas comment faire partie de cette industrie en vivant et en grandissant dans l’Indiana. Un Blockbuster ou une vidéo d’Hollywood était ma vraie connection au reste du monde.
PREMIUM : Vous avez d’abord été dans les Marines…
A. D. : C’était le mois d’octobre après le 11 septembre, et tous mes amis et moi nous nous sommes dit que nous allions nous engager. Cependant, j’ai été le seul a vraiment le faire, c’est ce qui se passe quand vous avez un grand groupe de garçons, le QI est au plus bas et tout ce que vous obtenez, c’est une série de grognements machistes après qu’un type ait dit qu’il avait un plan, qu’un autre le suivait et que tous les autres le laissent faire [rires]. J’y étais en février 2002. Je me suis engagé si rapidement que le recruteur se demandait pourquoi j’étais si pressé de le faire, il se demandait si je fuyais la police. Mais plusieurs choses se sont passées à côté, ce n’était pas aussi simple… Rejoindre les Marines relevait sans doute d’un sens du patriotisme et du devoir, mais aussi d’une réflexion par rapport à mon sentiment de ne pas avoir de but et de ne rien faire, je voulais avoir quelque chose que je n’avais pas, le sens du devoir. Donc, je suppose que c’était une décision prise à la suite de toutes ces choses qui sont arrivées en même temps.
PREMIUM : Avez-vous conservé quelque chose de l’armée dans la vie civile ?
A. D. : Bien sûr. Par exemple, en tant qu’acteur, vous avez un rôle et vous devez le connaître pour votre équipe, vous avez une mission à accomplir, ce qui implique plus que votre personne. Si vous ne faites pas votre travail, alors les autres ne pourront pas le faire correctement. C’est être dirigé par quelqu’un, ou dans mon cas présent par un réalisateur, et qu’il sait que ce que vous faites est pertinent et actif et que ça a un but. Quand ce n’est pas le cas, c’est une perte de ressources et ça devient inutile et dangereux. Cela enlève la pression parce que je suis tellement habitué au travail en équipe, à la cohésion et à ne pas penser de façon personnelle, c’est ma façon de travailler et tous les autres doivent s’y ranger. Il y a un but plus grand qui n’a rien à voir avec chacun d’entre nous et pour lequel nous travaillons. Mais tout cela, comme l’autodiscipline et l’entretien, est similaire. La différence est que l’une de ces carrières est vraiment une question de vie ou de mort, tandis que l’autre fait semblant d’être une question de vie ou de mort – mais l’éthique de travail est la même !


