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Touring Superleggera AERO 3 : L’art du coachbuilding

La présentation exclusive à Luxembourg de l’AERO 3 nous a permis de nous entretenir avec Louis de Fabribeckers, chef du design de Touring Superleggera, qui avait fait le déplacement depuis Milan pour nous rencontrer. Une entrevue passionnante au cours de laquelle le designer de talent nous a livré les détails de la conception de son extraordinaire réalisation mais aussi relaté l’histoire palpitante de la marque. Par Antonio Da Palma Ferramacho #luxgears.

Fuori serie
Après la naissance de l’automobile, au début du 20ème siècle, les modèles haut-de-gamme étaient fournis « nus » par les constructeurs aux coachbuilders (carrossiers) sous la forme d’un châssis avec moteur et trains roulants. Ces derniers se chargeaient alors d’habiller ce châssis d’une carrosserie confectionnée sur mesure pour leurs riches clients. Ce concept très en vogue en Italie et dénommé « Fuori serie » disparut progressivement suite à l’avènement du châssis-coque autoporteur que les constructeurs fabriquèrent eux-mêmes. Si cette pratique existe encore aujourd’hui pour une clientèle fortunée, l’opération d’habillage du châssis n’est plus possible comme auparavant puisqu’il n’y a plus de châssis et carrosserie séparés. La tâche consiste donc à désosser la voiture sortie de chaîne de ses panneaux de carrosserie et de certains éléments structurels pour reconstruire le tout et façonner ainsi une nouvelle silhouette, un processus beaucoup plus fastidieux et onéreux. C’est selon ce processus que Touring Superleggera travaille aujourd’hui pour ses modèles comme l’AERO 3. Mais avant de nous y intéresser, faisons un retour dans le passé…

Légèreté et aérodynamisme
Carrozzeria Touring est née en 1926 sous l’impulsion du pilote et entrepreneur Felice Bianchi Anderloni qui décide à 40 ans de se consacrer à sa passion : la course automobile. Auparavant Felice avait fait ses armes chez Isotta-Fraschini où il officiait comme pilote d’essai la semaine et comme pilote amateur le weekend. Ses talents de metteur au point allaient lui servir pour développer ses propres voitures de course basées sur des modèles existants et transformés expressément pour la compétition. Ayant compris avant beaucoup l’importance en compétition d’un poids réduit et de l’aérodynamisme des carrosseries, Touring fit sa devise de la maxime « Le poids c’est l’ennemi et la résistance à l’air c’est l’obstacle » ! Cela l’amena à développer le procédé de construction Superleggera qui consistait à habiller un treillis de tubes d’aluminium – constituant le châssis – d’une peau du même métal faisant office de carrosserie. La technique Superleggera ainsi appliquée permettait de façonner des formes aérodynamiques impossibles jusqu’alors tout en réduisant le poids au minimum. Suite à ses succès en course, de nombreuses marques firent appel à Touring pour développer leurs modèles pour la compétition. Parmi ces clients, on comptait notamment Alfa Romeo, Ferrari et BMW qui décrochèrent de nombreuses victoires dans les années 1930 et contribuèrent ainsi à la renommée de Touring Superleggera. Le pinacle de ces réalisations n’est autre que la très avant-gardiste et hyper aérodynamique Alfa Romeo 8C 2900B dessinée pour courir au Mans en 1938. Cette recherche de la performance par la légèreté et l’aérodynamisme aboutit aux formes caractéristiques du design Touring Superleggera : un long capot, des ailes intégrées et profilées, un habitacle en goutte d’eau et un arrière fuselé comme un empannage d’avion. Des éléments que l’on retrouvera jusque dans les années 1960 – rappelons-nous l’Aston Martin DB5 de 1964 bien connue de l’agent 007 – une époque où ce type de construction disparut avec la généralisation des châssis monocoques. Ce fut la fin du premier chapitre de l’histoire de Touring qui ferma ses portes en 1966 et les rouvrit à nouveau en avril 2006 pour renouer avec la création de véhicules modernes sur mesure comme la AERO 3 que nous découvrons aujourd’hui.

Hommage à l’Alfa Romeo 8C 2900B
Après ce passionnant tour d’horizon, Louis de Fabribeckers nous fait découvrir l’AERO 3 et nous apprend que sous sa robe inédite se cache une Ferrari F12 dont elle conserve la mécanique originale. Il nous révèle aussi que les formes de l’AERO 3 puisent leur inspiration dans l’Alfa Romeo 8C 2900B qu’il considère comme la création ultime de Touring Superleggera. En effet, on retrouve clairement, un à un, tous ses éléments stylistiques tels le long capot, le cockpit « tear drop » ou la poupe en forme de dérive d’avion. Sa conception a nécessité des milliers d’heures de travail pour déshabiller le modèle original et façonner les nouvelles formes avec les techniques les plus modernes. Ce faisant, elle en a profité pour faire une cure d’amaigrissement en adoptant la fibre de carbone comme matériaux pour sa carrosserie ce qui, d’après Louis, lui aurait fait perdre la bagatelle de 150 kg ! Sa silhouette à nulle autre pareille exploite des formes et des volumes inhabituels qui lui confèrent une très forte présence, chose qui ne transparaît pas forcément sur photo… et qui la rapproche plus d’une œuvre d’art sculpturale que d’une banale automobile. Observer ce modèle d’exception sous toutes ses coutures avec, comme guide, son créateur, c’est avoir le privilège de découvrir le soin accordé au moindre détail et, par-là, comprendre que le savoir-faire centenaire de ces artisans d’exception a survécu au temps et n’est pas près de disparaître. Et le plus fantastique c’est que l’AERO 3 n’est qu’une proposition des nombreuses possibilités offertes aux clients de Touring Superleggera qui ont également le loisir de se faire confectionner sur mesure le modèle de leur choix.
Un bien bel hommage à l’art du coachbuilding et du design automobile !

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