Art

Richard Orlinski : Basic Instinct

Il est l’artiste actuel qui brise les codes, les diktats, et agace une certaine intelligentsia. Et malgré tout ça, Richard Orlinski s’est hissé parmi les sculpteurs contemporains les plus en vue de la planète. Entretien spontané avec cet artiste protéiforme et prolifique qui assume fièrement - et à juste titre - qui il est.

Est-ce que Richard Orlinski a fait parler de lui dans l’univers de l’art ? C’est peu dire. Et est-ce qu’il dérange ? Également. À quelques heures de la clôture de ce magazine, nous avons eu un bel échange avec ce célèbre artiste protéiforme et prolifique. Crocodile en résine, panthère en dentelle d’aluminium, son fameux Kong incessamment et habilement revisité… Son bestiaire coloré l’a propulsé dans les plus hautes sphères artistiques au point que la jet set jette son dévolu sur ses oeuvres pop, en premier lieu Sharon Stone ou Pharrell Williams. Son parcours atypique l’a poussé à révolutionner l’art en cassant ses codes. Et à ceux qui décrient son côté populaire – qu’il assume avec fierté – ainsi que sa bataille pour rendre accessible l’art au plus grand nombre, il est bon de rappeler que de nombreux grands artistes ont toujours aussi prôner cette abordabilité, comme un certain Keith Haring, autre trublion et génie de l’art, pour qui le milieu de la rue restait tout autant primordial. Alors que je me l’imagine de l’autre côté sapé dans son look street et rock, je découvre un personnage sensé, instinctif, brut mais comme ces belles pierres qu’on n’a pas besoin de polir parce que leur aspérité – justement – leur confère un caractère particulier. Échange avec cet artiste qui sort de tous les carcans et dont son Basic Instinct l’a guidé sur son chemin… ou plutôt SES chemins de la réussite.


 
PREMIUM : Vous avez eu une vie avant de faire de l’art votre métier. J’ai lu que vous étiez agent immobilier. Quel a été le déclic pour lâcher cette profession plus sécurisante pour se lancer sérieusement dans l’inconnu de la sculpture ?
Richard Orlinski : Effectivement j’ai fait pas mal de métiers auparavant. En fait je sculpte depuis tout petit et j’ai toujours trouvé le métier d’artiste très intéressant, sauf que je pensais cela très compliqué. J’ai en effet prospéré dans d’autres professions, mais je n’étais pas heureux dans le costume que je portais. J’ai eu donc envie de faire quelque chose qui me ressemblait plus, que j’avais dans mon ADN. J’ai écouté mes aspirations et c’est ainsi que je me suis lancé dans la sculpture.

PREMIUM : Donc vous confirmez qu’il est bon de suivre son instinct ?
R. O. : J’ai justement écrit un livre qui s’appelle “ Pourquoi j’ai cassé les codes” et qui donne des conseils à tout le monde, et surtout à qui veut les suivre, pour éviter de perdre du temps et découvrir toutes les alternatives pour trouver son chemin, croire en soi. Même s’il est bon de prendre des conseils, le ‘final cut’ nous appartient. La solution est en nous. C’est l’une des clés principales je pense. Il faut croire en soi effectivement.

PREMIUM : Et c’est également l’une de ces petites voix en vous qui vous pousse à défendre “l’art à partager”?
R. O. : Complètement. Il y a de nombreuses personnes qui n’ont pas les moyens de s’offrir certaines oeuvres, des tableaux, ou autre, et qui s’intéressent à l’art. Et quand j’ai pu le faire, que ce soit grâce à ma notoriété grandissante ou grâce à mon métier, je l’ai fait très rapidement. Aujourd’hui j’y attache une grande importance. On peut, à ce jour, s’acheter des oeuvres signées Richard Orlinski pour quelques dizaines d’euros.

PREMIUM : En tenant cette position, vous avez cassé les codes du milieu fermé de l’art, ce qui ne laisse pas grand monde indifférent. Certains l’acclament, d’autres le critiquent farouchement. C’est l’une de vos expressions du “Born Wild” ?
R. O. : Je ne sais pas. Je n’avais pas le choix. Comme les portes ne m’étaient pas ouvertes, il a fallu les ouvrir. Cela ce serait certainement passer autrement s’il y avait eu une bienveillance par rapport à ça. Mais ce regard vient surtout de Paris. Sinon je suis bien représenté en province, je travaille avec le gouvernement, avec le Luxembourg aussi, j’ai fait plein de choses dans le monde entier. C’est un problème qui est très restreint. Peu de gens, en réalité, se sentent dérangés par ce que je fais. Provocateur ?Je n’en sais rien. Mais je dérange, oui. Parce que le succès dérange. Parce qu’être populaire dérange. Et puis on aime bien mettre les gens dans des cases. Mes collectionneurs, qui ont aussi de gros moyens, sont très fiers du fait que le plus grand nombre peut aussi accéder une petite pièce. Cela n’a pas dérangé mon écosystème en tout cas. Au contraire. Au vu des autres choses dans lesquelles je me suis lancé, comme la musique, ou des partenariats que j’ai eus, je me dis qu’il y a quand même pas mal de gens dans l’histoire de l’art, en France et à l’international, qui adhèrent à cette idée et à mon développement. Je pense que l’on peut faire n’importe quoi si l’on reste soi-même. C’est l’une des clés. Il faut juste être crédible et fier du projet que l’on défend. Comme cette sculpture que j’ai faite avec Disney, accessible à 159 euros, et ça ne dérange personne.

PREMIUM : Parmi toutes ces clés, on peut quand même souligner un certain flair…
R. O. : C’est gentil. Je suis un peu mainstream dans ma personnalité, dans ce que je suis, dans ce que j’aime. Je vais aimer ce que le plus grand nombre va aimer ; je suis vraiment quelqu’un, que ce soit dans mes aspirations musicales, culturelles, picturales, de populaire, mais dans le bon sens du terme. Et je suis heureux d’être populaire. J’aime quand des centaines de personnes viennent me voir : il n’y a pas de corruption intellectuelle.

PREMIUM : Votre Kong est devenu une pièce iconique et se hisse intelligemment dans certains des plus beaux spots (Courchevel, plateaux tv…). Comment vous est venue l’idée de ce Kong ? Pourquoi un gorille ?
R. O. : Tout d’abord je suis fan des blockbusters américains, et j’aime tous ces personnages emblématiques, imaginaires, avec beaucoup de personnalité, de caractère, de force. C’est donc bien King Kong qui m’a inspiré. On aimerait tous ressembler quelque part à King Kong, car c’est un monstre, certes, avec une puissance incroyable, mais au grand cœur. C’est vraiment un personnage qui m’a marqué. Par ailleurs, c’est l’animal qui s’apparente le plus à l’homme : on a 99,8% de génomes communs. Et puis il est impressionnant ; il fait un mètre 60 de haut en moyenne et il est capable de soulever 800 kg. C’est incroyable… c’est incroyable de se dire que, dans la nature, il y a des êtres qui nous ressemblent et qu’ils ont une puissance telle. Enfin, par rapport à la médiatisation et à ce que le cinéma américain en a fait, il y a un vrai message, il y a vraiment quelque chose qui parle à tout le monde. C’est ainsi que j’en ai fait un cheval de bataille, que je l’ai beaucoup poussé, propulsé.

PREMIUM : Avec un certain regard, on peut considérer que vos pièces incarnent un pont entre l’insouciance de l’enfance, en représentant des animaux, et la rigidité de l’âge adulte par ses aspérités géométriques ; quelle est encore la part d’enfant en vous ?
R. O. : Oh moi, je suis encore un grand enfant ! Je pense que c’est l’une des clés pour la longévité dans ce que l’on fait. Et puis vous parliez des animaux qui sont liés à l’enfance, pas vraiment je crois. Tous, autant que nous sommes, avons travaillé les animaux en pâte à modeler à la maternelle. Mais l’animal, dans toute l’histoire du monde, a toujours été quelque chose de prépondérant dans les civilisations. Il y a toujours été représenté. Pourquoi ? Parce que nous avions besoin de nous sentir supérieur à l’animal. Je pense qu’il y a une vraie relation, si ce n’est psychologique, entre l’homme et l’animal.

PREMIUM : Vous avez signé de superbes collab’, que ce soit avec Disney ou Hublot, mais vous avez également sorti vos propres lignes d’accessoires (comme ce trolley), qui ont été rapidement sold out ; quels vont être vos prochains produits dérivés ? Ou quels sont ceux qui vous aimeriez produire ?
R. O. : Déjà, à propos de toutes les sculptures que je veux rendre accessibles pour que le plus grand nombre puisse en avoir, j’ai des produits qui vont sortir très prochainement avec des nouveautés ou d’autres représentations miniatures. Je suis une personne qui écoute beaucoup les conseils des uns et des autres. Je laisse ma communauté me donner quelques idées, je fais aussi des questionnaires pour savoir ce qui leur plaît. J’y suis très attentif. Pour moi, l’émulation est une force. Je ne suis pas tout seul à travailler ; on travaille et on développe des projets en équipe. Et la base des fans et des followers est très importante. L’idée est de faire plaisir au plus grand nombre, encore. C’est un travail très collégial et j’y crois beaucoup. Après, il y a plusieurs contraintes qui entrent en jeu : faire des choses en vogue, qui font plaisir tout en s’assurant qu’il est possible de les réaliser, surtout à un prix accessible. Donc un prix accessible implique un prix d’achat pas cher. L’idée n’est pas de gagner beaucoup d’argent mais surtout de ne pas en perdre. Il y a beaucoup de projets où on a pratiquement zéro marge, tout simplement parce que l’idée est vraiment de faire plaisir aux gens. C’est très compliqué car je tiens à faire de la qualité ; j’ai mis 2 ans à obtenir la qualité que je souhaitais. En tout cas, nous avons beaucoup d’idées dans les tiroirs, beaucoup de projets, avec des produits du quotidien, de la vie de tous les jours ainsi que des produits un peu plus arty, plus taillés pour les collectionneurs… mais je ne peux pas trop en dire pour le moment.

PREMIUM : Véritable artiste protéiforme et pro de la com’, vous vous êtes lancé dans d’autres de vos passions avec succès, comme la musique et la scène. Quels sont vos prochains projets ?
R. O. : Les prochains projets sont malheureusement un peu perturbés par rapport à ce fléau, cette pandémie mondiale. J’avais commencé à jouer un nouveau spectacle, qu’on a dû stopper au bout de trois représentations. C’était assez frustrant car on était parti sur une belle dynamique, un vraie engouement pour ce projet. On devrait le reprendre au mois d’octobre mais encore une fois, cela reste très flou : est-ce que les gens vont venir voir le spectacle masqués ? Aurons-nous de nouvelles restrictions ? Je ne sais pas du tout comment cela va se dérouler. Concernant la musique, j’ai un très gros titre qui sort, dont l’interprète est l’une des plus grandes stars de la planète. Il y aura aussi deux grands chanteurs latino sur le projet… Mais là encore je ne peux pas en dire plus. D’autre part, il y aura un dessin animé qui mettra en scène mes sculptures. De ce fait, il y a beaucoup de projets en cours mais, en parallèle de tout ça, je tiens beaucoup à d’autres initiatives sociales. En collaboration avec Alila, l’un des plus grands promoteurs de logements sociaux, nous souhaitons rendre l’art accessible à tous en créant des résidences avec de l’art à l’intérieur. On va partir sur une dynamique participative, en laissant aussi aux gens la possibilité de s’exprimer sur les murs. On souhaite apporter de la joie à des gens qui n’ont pas forcément les moyens et qui n’évoluent pas forcément dans les meilleures conditions. J’ai aussi contribué récemment à des voiturettes électriques qui accompagnent des enfants jusqu’au bloc opératoire, afin d’y apporter un petit moment de légèreté et de diminuer leur angoisse avant leur arrivée au bloc.

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