Art

ANTOINE DUFILHO, LA CRÉATION À TOUTE VITESSE

Architecte de formation, Antoine Dufilho s'est ensuite naturellement dirigé vers la sculpture, un art qui lui permet d'exprimer son amour pour l'automobile et pour tout ce qui va vite en général. Rencontre avec l'artiste le plus rapide du monde.

Chez les Dufilho, la passion se transmet de génération en génération. C’est d’abord l’acteur Jacques Dufilho, le grand-oncle d’Antoine, qui eut la chance de collectionner des Bugatti. Cette passion immense fut transmise à son neveu et, naturellement, le flambeau est passé à Antoine. Des études à l’école d’architecture de Lille le mènent ensuite vers une nouvelle approche de la sculpture, notamment vers le travail de l’ossature, qui, une fois mise à nu, dévoile une succession de pleins et de vides, apportant légèreté et dynamisme à la forme générale. L’observation sous des angles différents de cette œuvre statique crée le mouvement, une vision cinétique. Antoine expose aujourd’hui ses créations dans le monde entier, et ce n’est que le début de la route d’une longue aventure.

PREMIUM : Est-ce qu’il a été difficile de choisir entre l’architecture et la sculpture ?

Antoine Dufilho : Finalement, je me suis débrouillé pour ne pas avoir besoin de choisir, que ça devienne évident. Travailler pour des clients qui me demandent de faire des trucs qui ne m’intéressent pas, des projets financés uniquement pour que ça soit le moins cher possible ou être payé une misère dans une agence d’architecture en faisant 50 heures par semaine, je ne regrette rien. J’ai fait des stages avant de commencer à travailler comme architecte et je suis tombé dans une agence horrible qui m’a écœuré du travail. Une fois que j’ai arrêté ce stage, je me suis fait opérer du genou et j’ai eu du temps pour y réfléchir. Je me suis mis comme ça tranquillement à la sculpture, et il se trouve que je me suis vraiment éclaté. Au début, c’était un cadeau pour mon père, une reproduction de sa Bugatti de course que je lui ai offert pour ses 60 ans. Et puis, j’ai vu que ça plaisait à ses copains, donc j’ai continué. Ensuite, j’ai travaillé chez un ami architecte qui m’a dit : « N’arrête pas l’architecture parce que c’est dommage, tu as fait des études là-dedans. Mais en même temps, n’arrête pas ce que tu fais en sculpture, parce que ça a l’air aussi intéressant, continue. »

PREMIUM : Et le lien avec l’automobile dans tout ça ?

A. D. : Ça a commencé avec l’histoire de cette sculpture que j’ai faite pour mon père, qui est comme moi un fan de voitures. Je voyais des choses comme ça dans les salons de bagnoles parce que je vais à Montlhéry, à Rétromobile avec mon père depuis des années. Et à chaque fois, je me disais : « Oh, j’aimerais bien essayer. » Papa m’avait présenté aussi un gars du nom de Michel Collet, qui choisit les détails d’une voiture qui lui plaît et les reproduit à l’identique, mais à grande échelle. Il m’a expliqué comment il faisait avec son poste à souder, etc. Je me suis acheté la même chose pour faire mes propres créations, toujours dans la thématique de la voiture, dans l’esprit de légèreté et de vitesse.

PREMIUM : Comment as-tu réussi à te faire connaître ?

A. D. : Un jour, une amie de ma mère lui a parlé d’une expo qu’il y avait à Paris au Grand Palais, à laquelle sa sœur avait participé. C’est comme ça que ça a commencé. J’ai fait cette expo et un galeriste de Paris, Marciano, m’a proposé de me vendre place des Vosges. J’ai accepté une exclusivité avec lui pendant trois ans, jusqu’à ce que je lui dise vouloir vendre dans d’autres galeries. J’ai rencontré la M.A.D. Gallery, j’y suis allé au culot, c’est un ami de Genève qui m’a conseillé d’aller là bas : « Franchement, je connais la galerie, c’est là qu’il faut que tu sois ». Donc je suis allé présenter mon travail et ils m’ont accepté. C’est à ce moment que j’ai commencé à travailler à l’étranger. J’ai vendu une sculpture à Peter Mullin, un milliardaire californien qui a une Bugatti Atlantic. Il y en a deux : Ralph Lauren a la sienne et Peter Mullin. Ma sculpture a été exposée au Musée de l’automobile de Los Angeles avec sa Bugatti, ce qui m’a conduit à partir là-bas et d’y trouver une galerie. J’ai rencontré plein d’artistes à Venice Beach et j’ai été à Art Basel à Miami. Puis une expo à Taïwan, ensuite à Dubaï, et cette galerie du Luxembourg dont je vous ai parlée, et maintenant à Porto. Ensuite, j’ai ouvert avec un associé ma propre galerie au Touquet, avec laquelle on fait un carton. Le but, c’est d’ouvrir d’autres galeries, comme par exemple à Trouville. Je vais aussi bientôt exposer à Laguna Beach, Dallas, dans les Hamptons à côté de New York, et à Knokke-Le-Zoute.

PREMIUM : Est-ce que tu vas explorer d’autres thèmes ?

A. D. : J’ai fait une fusée, un grand train d’1 m 80, mais je me rends compte qu’il ne faut pas que je m’éparpille dans des choses complètement différentes. Et, franchement, je n’ai pas réussi à faire ce que je voulais, c’est trop éclectique. J’ai décidé maintenant de me recentrer sur l’automobile et le nautisme en me concentrant sur la thématique de la vitesse.

PREMIUM : Peux-tu nous présenter tes collaborateurs ?

A. D. : Je suis très content de mon équipe : Romain qui m’assiste et qui modélise les projets en 3D, et Lucas, notre stagiaire en communication. J’ai aussi un ami chaudronnier qui travaille avec nous à mi-temps et trois auto-entrepreneurs à qui je fait appel pour la fabrication (polissage, assemblage, montage, soudure et peinture…).

PREMIUM : Pour ceux qui ne connaissent pas l’art cinétique, comment l’expliques-tu ? 

A. D. : La cinétique, je la traduis par un principe de pleins et de vides. C’est d’un point de vue purement technique. C’est ce que je dis à Romain : « Construis avec un maximum de vide parce que le vide est gratuit, il ne faut pas hésiter à l’utiliser ». Ensuite, le fait d’avoir du plein et du vide, permet de voir à travers l’œuvre, cela provoque un effet visuel qui nous donne cette impression de vitesse. L’idée, c’est qu’on présente des bateaux ou des voitures, des éléments dynamiques. Je trouve dommage de réaliser un véhicule si il est à l’arrêt ou super statique. C’est pour cette raison que l’on vide les roues ou les ailerons, de façon à ce qu’on ait vraiment une impression. Il y a aussi le principe du reflet : on utilise des plaques poli-miroir qui vont se refléter et qui vont donner un effet de légèreté lorsqu’on tourne autour, quelque chose de très versatile, qui va avoir tendance à disparaître ou apparaître. Un de mes amis a vu ma sculpture au Touquet et m’a dit : « Où est le dispositif technologique qui fait bouger les plaques ? »  En passant à côté, il croyait vraiment que les plaques bougeaient. Je me suis dit que nous avions réussi, parce que c’était vraiment ce qu’on recherchait.  

PREMIUM : Quelle importance a la couleur dans tes œuvres ?

A. D. : Auparavant je travaillais beaucoup sur des créations monochromes. Le problème qu’on avait avec les plaques, c’est qu’on ne savait pas comment les peindre. Je ne connaissais que la peinture pour carrosserie, où il fallait peindre les plaques d’avance et les assembler ensuite. Or, avec la précision de l’ajustement des pièces, ce n’est pas possible, avec le frottement ont risquerait de les abîmer. On a découvert un procédé, l’anodisation décorative, mais c’était trop compliqué. Par hasard, on est tombé sur une entreprise de thermolaquage : l’avantage c’est que ça se fait par magnétisme, la peinture est pulvérisée et peut s’immiscer entre les plaques, elle est super résistante, comme une résine.

PREMIUM : L’automobile a toujours été une passion dans ta famille ?

A. D. : Papa était plus branché motos que voitures. C’est dans les années 90 qu’il a commencé à s’intéresser aux voitures et à faire de plus en plus de salons. Ça vient de mon grand-oncle (Jacques Dufilho), parce qu’étant jeune, mon père a fait ses études de médecine à Paris et vivait chez Jacques, donc il le connaissait très bien et l’a suivi dans pas mal de ses films. Mon père a surtout assisté aux restaurations qu’il faisait sur sa Bugatti 37. Donc c’est mon grand-oncle qui lui a donné un peu de cette passion à laquelle il ne s’intéressait pas trop au départ, passant de spectateur à complètement fan. Mon grand-père paternel, comme Jacques, était aussi branché voitures et Bugatti, le reste de la famille pas forcément. Par contre, le frère de mon père est architecte, l’autre est docteur en art au Louvre. C’est simple, dans la famille, soit on est médecin ou pharmacien, soit on est artiste.

PREMIUM : As-tu des clients célèbres ?

A. D. : J’en connais parce que j’ai des clients directs, ça dépend ce qu’on appelle célèbres. Comme Peter Mullin, à l’échelle de l’automobile il est assez connu. Ce n’est pas une star, mais le premier bateau je l’ai fait pour le PDG de Norauto qui est maintenant le PDG de Decathlon. Jean Todt, mais c’est plus qu’un client, nous avons une relation privilégiée, il m’a acheté 3 sculptures : une type E, une F40 et la 356. Notre rencontre est un hasard complet. Le Westminster a été racheté par le groupe Barrière, notre sculpture était devant l’établissement mais sur un terrain qui appartient à la mairie, donc rien à voir. Il se trouve que, quand Dominique Desseigne, le PDG du groupe Barrière, est allé signer le rachat du Westminster, il est passé au Touquet et a vu notre galerie. Il a acheté une de mes sculptures et il nous a demandé de la livrer à son ami Jean Todt. Plus tard, je suis à Amiens en train de boire un verre chez des amis et il m’appelle en personne, une conversation très agréable, il souhaite me rencontrer pour une commande. J’ai profité de mon passage à Orléans chez de gros clients à qui je devais livrer la 300 SL décapotable à taille réelle pour le rencontrer, et il nous a donné carte blanche pour travailler sur 2 projets d’œuvres monumentaux pour chez lui. Il m’a proposé d’être notre ambassadeur, il va lui-même vendre mon travail à son réseau.

PREMIUM : Avec la force de ce réseau, tu vas faire des sculptures pour tous les pilotes automobiles !

A. D. : On verra bien, Charles Leclerc m’a envoyé un beau message sur Instagram pour nouvel an en me souhaitant une bonne année et en me félicitant. Je commence aussi à travailler avec les galeries Belair à St-Tropez, c’est un peu controversé car ce sont des grosses galeries, mais je suis flatté qu’elles s’intéressent à moi. Je fais un vernissage au mois de mai ou juin à St-Tropez.

Découvrez les œuvres d’Antoine Dufilho en exposition permanente et en exclusivité à la galerie Le Castel à Luxembourg.

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