L’adage dit « Quand ça veut pas, ça veut pas » mais un autre précepte dit aussi qu’ « il faut laisser du temps au temps et les choses viendront à nous ». Cette théorie que j’ai faite mienne m’a donné raison une fois de plus. En effet, le hasard des circonstances a voulu que la pandémie de ces derniers mois a isolé votre serviteur au sud du Portugal où il se trouvait initialement en vacances. Il y a pire comme situation… et comme une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, l’occasion de tester la dernière Porsche Taycan turbo s’est présentée. En réalité, je dois cet essai inattendu à mon ami Olivier, présent lui aussi en Algarve lors du confinement, qui me parle de son intérêt pour la Taycan qu’il vient tout juste d’essayer et qu’il ambitionne d’acheter. Connaissant mon activité de reporter automobile et apprenant que je n’ai pas encore testé LE bolide, il s’empresse de contacter la concession Porsche de Faro pour reprogrammer un nouvel essai. Il est impatient d’avoir mon avis d’expert pour se décider, ou non, à troquer sa 911 (991) cabriolet pour la première Porsche électrique et il obtient un nouvel essai de la bête silencieuse. Comme quoi, même dans des conditions peu propices il ne faut jamais désespérer. Désolé Murphy, mais ta loi n’aura pas eu raison de moi cette fois-ci !
Plastique de 911
En découvrant la magnifique Taycan Bleu Gentiane métallisé devant la concession de Porsche à Faro, la première chose qui me frappe c’est l’élégance de ses lignes. De toute évidence l’inspiration de la 911 a été parfaitement exploitée pour en faire un magnifique objet, le premier coupé quatre portes qui peut véritablement revendiquer les gènes esthétiques de la 911. Si sa proue est inédite en abandonnant le typique regard de grenouille de la 911, sa poupe et son profil reprennent les codes de l’icône de Weissach. Basse, trapue et bien assise sur ces quatre roues, la Taycan dégage une allure sportive avec ce sentiment de force tranquille qui colle bien à la propulsion électrique. Le constat est le même en pénétrant dans l’habitacle dont la planche de bord semble être un copié-collé de celle de la dernière 911 – nom de code : 992 – quelques écrans digitaux en plus et quelques boutons en moins. Assurément, l’environnement est très familier et, excepté le combiné d’instruments entièrement digital, on pourrait se croire aux commandes de l’évolution de la 992. En revanche, le détail qui change tout concerne l’espace arrière qui troque son concept de « coupé 2+2 » pour deux vraies places aisément accessibles via des portes dédiées. Si jusqu’à présent la Panamera était considérée comme la 911 à quatre portes, c’est désormais la Taycan qui s’en rapproche le plus stylistiquement parlant.
Technologique
Une fois n’est pas coutume, nous n’allons pas parler de cylindres, de turbo ou encore de système d’injection mais plutôt d’électrons ! C’est vrai qu’avec les moteurs électriques il n’y a plus grand-chose à dire, excepté combien la voiture en compte, le voltage auquel ils opèrent ou la capacité de la batterie qui les alimente. Exit l’échappement actif en titane ou l’arbre de transmission en carbone. On se contentera de vous dire que les quatre roues de la nouvelle Porsche électrique sont motrices et directrices, entrainées par deux moteurs synchrones à excitation permanente (un sur chaque essieu) eux-mêmes alimentés par une batterie de 800 V / 93 kWh et que la boîte de vitesse ne comporte que 2 rapports ! Petite précision concernant ce voltage deux fois supérieur à la normale qui permet de charger la batterie jusqu’à une puissance de 270 kW sur une borne rapide comme d’effectuer l’exercice de l’accélération départ arrêté autant de fois qu’on le souhaite sans devoir attendre le refroidissement de la batterie… Les conducteurs de Tesla comprendront ! Porsche mentionne aussi que cela permet de prolonger l’autonomie de 30 % grâce au Porsche Recuperation Management (PRM) qui régénère jusqu’à 90 % de l’énergie de freinage. Malgré cela l’autonomie de la batterie tourne autour de 300 km réels, ce qui est loin d’être exceptionnel pour un véhicule de ce niveau technologique et, accessoirement, de ce prix ! Ce volet technologique pouvant presque se développer à l’infini, nous l’abrégerons avec le système d’info-divertissement dernier cri à la résolution et la réactivité saisissantes car ce qui nous intéresse c’est plutôt comment la Taycan s’apprécie volant en mains… Place au pilotage !
Buzz l’éclair
En s’installant à bord, on découvre une position de conduite parfaite avec volant et commandes idéalement disposés, le tout accompagné d’une instrumentation bien lisible ; c’est ergonomique et efficace. Bref, c’est du Porsche ! Avant de tourner la « clé » de démarrage, un coup d’œil à l’espace intérieur nous confirme la sobre efficacité du design Porsche qui renvoie ce subtil cocktail de perfection technico-sportive. Au démarrage la Taycan glisse en silence sur la route en émettant un bruitage de vaisseau spatial que seul le frottement des pneus sur le bitume granuleux vient perturber. Les premiers kilomètres parcourus en mode « normal » sur la voie rapide nous permettent de quitter Faro en douceur pour accéder aux petites routes sinueuses de l’arrière-pays de l’Algarve. Ce moment est mis à profit pour ressentir et analyser tout en retenue le retour d’informations des commandes ainsi que la réactivité du moteur et le comportement du châssis. Passée cette phase d’observation, on se décide à enclencher le mode « sport + » pour découvrir ses performances de dragster… D’un côté, les accélérations instantanées et délirantes grâce à la motricité sans faille nous confirment la propulsion électrique aux quatre roues. De l’autre, les roues arrière directrices procurent une tenue de route exceptionnelle de stabilité et d’agilité. La spécificité de la Taycan par rapport aux autres électriques est qu’elle dispose de deux vitesses alors que ses concurrentes comme Tesla n’en ont qu’une. Un détail qui procure des sensations proches d’un moteur thermique turbo dont le « coup de pied » aux fesses est si jouissif… Bien vu ! La Taycan saute d’une courbe à l’autre en accélérant sur les bouts de lignes droites comme nulle autre et en se ralentissant grâce au freinage combiné de ses énormes freins PSCB (Porsche Surface Coated Brake) et du PRM. Il n’y a pas à dire, elle accélère et freine très fort la Taycan, sa tenue de route presque irréelle est bluffante vu son poids de 2,3 tonnes… nous voilà séduits par cet engin futuriste. Notre essai s’achève, nous rejoignons la concession Porsche avec des sensations plein le corps et la tête… Un constat s’impose, malgré cette débauche technologique et des performances hallucinantes, le retour au volant de la 911 d’Olivier nous rappelle que la Taycan est muette, qu’elle ne vibre pas et, précisément par-là, elle nous prive d’une part essentielle de l’émotion que l’on attend d’une voiture de sport. Alors oui, la Taycan est, sans aucun doute, la voiture électrique sportive la plus performante et la plus aboutie actuellement en production, cependant elle ne vibre pas en nous comme une bonne 911 thermique en est capable. Le verdict tombe… Olivier décide de garder sa 911 !