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Mike Horn : Le temps de réaction

En cette période ou le mot survivre prend tout son sens, Mike Horn est notre invité sur la couverture de notre numéro best of collector. Nous avions échanger l'année dernière avec le célèbre explorateur, ambassadeur Panerai, avant son départ pour le Pôle Nord.

À le voir sur nos écrans, il nous arrive de nous demander si Mike Horn est bien le même dans la ‘vraie’ vie. Et la réponse est oui. Il a ce bagou, cette décontraction et cette bouffée de vie qui émane de lui, naturellement. Alors qu’il faisait escale à Hong Kong avant sa nouvelle et glaciale expédition pour le Pôle Nord l’année dernière, le grand explorateur s’était confié sur sa dernière collaboration avec Panerai ainsi que sur sa conception de la vie. Même au bout du fil, à l’autre bout du monde, c’est toujours un plaisir à écouter, une leçon d’éveil à cueillir. C’est presque désarmant quand il avoue en toute simplicité qu’il « se réveille comme ça tous les matins, avec sa philosophie de vie », « qu’elle est en fait très simple mais qu’on essaie à chaque fois de se la compliquer » . Parce que dans le fond, on a cette petite voix en nous qui nous dit qu’il est dans le vrai. Alors qu’il clôture notre conversation téléphonique avec un inattendu, déroutant et non moins drôle « Ça roule Abdul », notre admiration pour cet homme façonné par les périples mais en aucun cas écorché de la vie ne cesse de grandir.

Un numéro collector exceptionnel imprimé à 2020 exemplaires et (heureusement) consultable en ligne

Comment est née votre histoire avec Panerai ?
Mike Horn : C’est Johann Rupert, patron du groupe Richemont, qui m’a vu quand j’ai reçu mon prix Laureus (du meilleur sportif alternatif), alors que Panerai était sponsor. Après la remise des prix, il est venu vers moi, il a retiré sa montre puis me l’a mise sur mon poignet et m’a dit « À partir d’aujourd’hui, tu vas porter du Panerai ».

Et vous connaissiez la marque ou pas du tout ?
M. H. : Oui, je connaissais bien la marque car elle est utilisée par les plongeurs italiens, et moi j’étais dans les forces spéciales… d’une manière ou d’une autre on est connecté aux instruments, car pour moi ce n’est pas seulement une montre mais plutôt un outil de travail. J’étais dans les forces spéciales d’Afrique du Sud pendant 3 ans. Et après j’étais au Brésil, toujours dans les forces spéciales. Ce sont eux qui ont formé les américains pour la guerre au Vietnam… et je sais que ça n’a pas très bien marché pour les américains. Pour moi c’était plus pour apprendre à rester en vie dans la jungle, c’était une première phase de préparation pour mon expédition de descendre l’Amazone à la nage.

Pour vous, c’est quoi le plus compliqué, rester vivant dans la jungle ou dans la ville ?
M. H. : Je pense que rester vivant au Pôle Nord, au sommet d’une montagne, ou au milieu de la jungle, c’est bien plus facile que de rester vivant dans une ville. Parce qu’en fait, dans la nature, on peut calculer les risques que l’on prend. Avec les gens, on ne sait jamais ce qu’ils pensent, leurs intentions. La nature est comme elle est. C’est pour ça je préfère presque rester exposé aux éléments de la nature plutôt qu’aux gens.

Justement, vous œuvrez à la protection de notre planète ; parmi toutes vos expéditions, quelle image ou quelle scène avez-vous vu pu voir lors de ces voyages et qui reste particulièrement éloquente sur la situation alarmante que nous vivons ?
M. H. : C’était pendant l’expédition Arktos, lorsque j’ai fait le tour du monde en suivant le cercle arctique polaire pendant 2 ans et 3 mois. J’ai vu un grizzli attaquer un ours polaire. C’est là où j’ai vu qu’il y avait un changement dans les comportements des animaux. Un ours polaire peut nager 100km. La glace à l’époque était à 150km du continent et les ours ont besoin de la glace pour chasser, c’est là où ils peuvent attaquer et trouver à manger, notamment les phoques qui y prennent le soleil. Mais la glace était tellement loin… Les ours partaient, ils nageaient, ils nageaient mais ne voyaient rien, alors ils faisaient demi-tour et revenaient sur la plage, affaiblis. Alors que les toundras réchauffent, les ours bruns ou grizzlis remontent plus au nord dans les territoires des ours polaires et retrouvent des ours affaiblis sur les plages. C’est une zone de transition aujourd’hui.

1991 signe votre premier contact avec l’aventure, sur les Andes Péruviennes ; vous aviez alors seulement 25 ans. Aujourd’hui à presque 52 ans comment vivez-vous physiquement vos périples ?
M. H. : Mais j’ai toujours que 25 ans ! J’ai oublié de compter mes anniversaires, c’est pour cela que je ne vieillis pas. Je pense que je suis beaucoup plus fort aujourd’hui qu’à 25 ans. Mais la force, ce n’est pas seulement la force physique qui nous pousse à parvenir à faire des choses. C’est une force psychologique, c’est un savoir-faire qui nous aide, nous assure qu’on peut rester vivant dans des conditions extrêmes. C’est seulement en 2017 que j’ai pu traverser l’Antarctique par exemple, car à 25 ans je n’avais pas l’expérience ni le savoir-faire pour penser à le traverser. C’est sûr que physiquement, on devient un tout petit peu plus faible, mais je pense que pour 80% des succès, ça se passe dans la tête. Quand on est bien dans la tête, c’est là qu’on adapte nos efforts et la manière qu’on fait les expéditions selon notre capacité physique.

Cette nouvelle Panerai a fait de gros efforts pour être plus écologique. Est-ce que c’est vous qui l’avez suggéré ou est-ce la manufacture qui a souhaité d’elle même se calquer sur vos valeurs ?
M. H. : Tu sais, c’est un peu ensemble qu’on a décidé de faire quelque chose d’un peu plus écologique. Le titane éco, les bracelets avec des matières recyclées. En 30 ans, avec les explorations, j’ai vu pas mal de choses changer dans la nature, et puis c’est pour cela que je voulais être aussi un peu un pionnier dans la réutilisation des matières. Avec ses 7 milliards de personnes qui y vivent, on ne peut pas continuer d’abuser des ressources naturelles de notre Terre. C’est pour cela que le luxe, qui concerne notamment les gens avec un pouvoir d’achat, doit montrer l’exemple. Comme pour Panerai, où tu dois avoir un peu plus d’argent que pour acheter une Swatch par exemple. Je voulais partager un message avec les gens, celui de penser de manière un peu plus durable. Panerai trouvait mes expériences et ma philosophie intéressantes, c’est là d’où l’idée est née. Je pense qu’il y a une destination à tout dans la vie, c’est-à-dire que si tu veux arriver quelque part, il faut savoir dans quelle direction tu veux marcher. Avoir un sponsor qui me donne la possibilité de faire mes expéditions, c’est la première étape. Mais une fois que j’ai fait mes expéditions, c’est aussi là où je peux les utiliser comme un outil de communication afin de conserver la planète. Aujourd’hui, l’industrie – qui est importante – change aussi sa manière de faire les choses et chacun de nous peut jouer un rôle pour la conservation de notre planète. L’expédition en fait ne me donne qu’une voix pour sensibiliser et parler. L’idée est que tout le monde prenne cela comme un exemple. Ce sont des petits pas qui vont enfin amener à un changement plus global.

Les vrais aficionados de PANERAI sont déjà un club à part entière (les paneristi) mais avec ce modèle en édition limitée vous passez un cap : vous proposez une expérience exceptionnelle avec 19 pièces qui seront remises en mains propres, par vos soins, au cours d’un stage intensif en Arctique. Qu’espèrez-vous que les acquéreurs retiennent de cette expérience ?
M. H. : Moi, je pense que la montre devient presque secondaire. Je voulais vraiment vendre plus qu’une montre parce que ce n’est pas mon business. Je suis un aventurier, un explorateur. C’est d’abord vendre une expérience unique, quelque chose qui va changer la manière dont les gens pensent. Aussi changer leurs vies. La montre qui va avec, c’est presque comme une médaille que les gens vont porter s’ils arrivent au bout de leur expérience. C’est quelque chose que l’argent ne peut pas acheter. On est encore en train de développer l’idée avec Panerai. C’est sûr que je vois les choses pas toujours de la même manière que Panerai ; ils préfèrent quelque chose de moins long, peut-être un peu moins intense, mais moi je veux vraiment offrir une expérience unique. Maintenant, on est autour d’une table, on peut discuter. Et comme je dis toujours à Panerai, s’ils veulent faire quelque chose que tout le monde peut faire, ils doivent aller parler avec tout le monde et pas avec moi. Cela signifie que j’ai certaines valeurs, que je me dois de respecter au travers de cette expérience. Panerai et moi partageons celles-ci depuis 18 ans, je sais que nous allons trouver une solution qui plaira d’abord aux gens qui vont venir, à Panerai et qui pourra en même temps renforcer mes valeurs et ma philosophie de vie.

Vous êtes hyper médiatisé et avez également besoin de passer du temps au cœur de la planète… Quel est votre rapport aux choses ?
M. H. : Écoute, la commercialisation des choses n’était jamais l’un de mes objectifs en fait. C’est sûr qu’aujourd’hui, à travers les expéditions que l’on fait et la manière dont on les partage sur les réseaux sociaux, on a la possibilité de communiquer bien plus facilement. L’aventure ce n’est quand même pas faire du foot, du tennis, du golf ou de la formule 1. C’est un marché de niche et unique. Mais ce qui est important de savoir dans l’exploration c’est que, quand tu fais des choses qui n’ont jamais été faites auparavant, l’histoire prend une certaine valeur. Ce n’est pas un record que l’on casse comme un plongeur en profondeur, où il y a quelqu’un qui arrive après nous, qui va plonger plus profond. L’histoire qu’on écrit dans l’exploration va rester dans les annales dans le monde des explorations. Je ne sais pas si je suis hyper commercialisé, je n’ai jamais changé la manière dont je vois la vie. Je suis toujours le même bonhomme qui se lève les matins, qui doit bosser comme tout le monde. Si mes sponsors me donnaient un tout petit peu plus de soutien, je pense qu’on pourrait faire encore plus au niveau de la communication. Mais c’est vrai qu’aujourd’hui, les histoires vraies, authentiques, ça se communique un peu tout seul je pense. C’est presque plus embêtant pour moi d’être commercial que d’être inconnu… mais ma foi, aujourd’hui, si l’on veut faire des choses et qu’on n’a aucune valeur commerciale, on n’a pas vraiment de voix.

Mais je vous rassure, quand on regarde vos émissions, on se dit « Mais oui, c’est ça, il est dans le vrai ». On aurait envie de le faire !
M. H. : Mais oui, faut venir ! On essaie toujours de garder les mêmes valeurs et si elles ne sont pas appréciées par les gens, c’est là où je préfère arrêter. Parfois on essaie de changer qui on est, tu sais à la télévision, commercialement, surtout lorsque ces valeurs ne peuvent plus plaire aux gens. Moi je préfère rester qui je suis et toujours avoir les mêmes valeurs d’il y a 30 ans, quand j’ai commencé l’exploration.

D’ailleurs en ce moment, il y a une campagne « Je suis donc tu es », qui véhicule le message que ce que vous êtes a un impact sur les autres. Et c’est justement ce que vous faîtes.
M. H. : J’espère en tout cas ! Tu vois, mon père était joueur de rugby et tout le monde venait vers lui quand il marchait dans les endroits publics en disant : « Tu as bien joué », « C’était incroyable ». Et moi, encore tout gamin, j’ai apprécié cela. Un jour je lui ai dit que je voulais être comme lui et il m’a répondu : « mais Mike tu ne peux pas être comme moi, tu es qui tu es ». Et c’est là que tu comprends que chacun de nous a des valeurs, et on est qui on est. On ne peut pas être quelqu’un d’autre. Dès que tu commences à essayer d’être quelqu’un d’autre, c’est là où tu loupes ta vie. Et si tu dois faire des choses qui plaisent aux gens, tu vas toujours trouver quelqu’un qui va critiquer ou être en désaccord. Mais si tu es qui tu es, peu importe ce qu’ils disent. Personne ne peut changer cela.

On a chez nous à Luxembourg, Alain Cossalter, un rescapé de la première édition de ‘The Island’. Vous rappelez vous de ce candidat ?
M. H. : Ah oui ! Il est toujours vivant ? C’est nickel, vous le saluerez de ma part si vous le voyez.

Dernière question et après on vous laisse afin de (presque) respecter le timing
M. H. : Je n’ai pas de copine et je n’ai pas d’argent (rires). C’est ça que tu voulais savoir ?

Et non, même pas !
M. H. : Ah m****, loupé ! (rires) Alors, qu’est-ce que tu veux savoir ?

Que pensez-vous de la fameuse phrase d’oscar Wilde « Vivre, c’est la chose la plus rare au monde, la plupart des gens ne font qu’exister »?
M. H. : Je pense que c’est seulement quand tu vis vraiment la vie que la vie prend une autre importance. On peut exister à travers les autres aussi, car on n’a pas les capacités de le faire nous-même. Mais comme je le disais avant, chacun de nous a le droit d’exister car il est unique. Et pour vivre pleinement cette existence, il faut exploiter nos capacités, découvrir nos talents et ce qui nous rend heureux dans la vie. Car tout le monde recherche la même chose en fait, tout le monde recherche d’être heureux. Et si on arrête de râler déjà et qu’on commence à voir la vie dans un sens plus positif, c’est là où on commence à vivre. Pour vivre à 100%, on a besoin de la motivation mais pas seulement, il nous faut de la discipline aussi, c’est là où l’on peut repousser des limites. Puis, quand on a peur de perdre, on ne va jamais gagner. Malheureusement, on a tellement peur de perdre que ça nous empêche de vivre pleinement. C’est là qu’on ne fait qu’exister. Quand l’envie de gagner est plus forte que la peur de perdre, c’est là où tu peux vraiment commencer à vivre. On vit seulement 30.000 jours, p* on ne peut pas perdre un seul de ces jours.

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